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Revue de presse
Sanction, sanction, sanction
LE MONDE | 22.03.04 | 12h09

"Le vote-sanction était prévisible, mais c'est un vote-rejet que doit assumer la droite après ce premier tour des régionales calamiteux", analyse Olivier Picard dans Les Dernières Nouvelles d'Alsace (DNA). Il s'étonne de "l'incroyable bévue stratégique" de la majorité : "Comment le premier ministre a-t-il pu prendre le risque de laisser se présenter dix-neuf membres de son gouvernement à une élection de mi-mandat très rarement favorable au pouvoir en place ? L'impopularité de réformes lourdes d'autant plus contestées qu'elles n'ont pas encore produit tous leurs effets ne pouvait pourtant pas être une surprise. Pourquoi, diable, jouer les kamikazes en défiant les mécontentements ?"

JEAN-PIERRE RAFFARIN SANCTIONNÉ

"Sanction" : le mot barre la "une" de La Provence, ce matin. "Sanction", titre aussi Pierre Taribo dans L'Est républicain : "Le résultat est là, cinglant pour la droite, qui, d'ores et déjà, peut faire une croix sur plusieurs régions. A commencer par le Poitou-Charentes, fief du premier ministre, dont le basculement prévisible en faveur du PS est un camouflet personnel pour M. Raffarin." Un détail qui n'a pas échappé à Jacques Guyon, dans La Charente libre : "Face à Elisabeth Morin, l'héritière de Jean-Pierre Raffarin qui est pourtant bien loin d'avoir démérité en tant que présidente, Ségolène Royal a réussi le meilleur score d'un candidat de gauche en métropole en atteignant 46 %. Le Poitou-Charentes, devenu le symbole d'une résistance à la politique gouvernementale, a donné une véritable claque au gouvernement." Car, au final, seul un membre de ce dernier "tire son épingle du jeu, par candidat interposé, constate Jean-Yves Boulic dans Ouest-France : Nicolas Sarkozy, grâce auquel Jean-François Copé, qui s'en est réclamé à cor et à cri, réussit à creuser l'écart avec le populaire André Santini en Ile-de-France".

Ce revirement ne laisse pas de désespérer Olivier Picard, dans les DNA. "De plus en plus consuméristes dans leurs choix politiques, les Français persistent à ne pas savoir ce qu'ils veulent. En 2002, la droite avait pourtant annoncé la couleur : Jean-Pierre Raffarin ne faisait pas mystère de ses options libérales. Moins de deux ans plus tard, on gifle sa majorité, comme si elle était coupable d'avoir appliqué son programme. La maturité n'est toujours pas à l'ordre du jour de la France politique."

AUTOPSIE D'UN REVERS

"Puisque malgré tous ses efforts, la majorité gouvernementale n'est pas parvenue à faire des élections régionales un rendez-vous politique seulement local, elle avait à redouter quatre manifestations de mécontentement : l'abstention accrue, la montée de l'extrême droite, le succès de l'UDF autonome, un bon score, enfin, de la gauche", rappelle Marc Chevanche dans Nice Matin. "Sur ces quatre périls annoncés, trois ne sont pas advenus."

Sur le chantier de l'abstention, tout d'abord, les chiffres sont là, se réjouit Jean-Claude Arbona dans La Nouvelle République du Centre-Ouest. Avec près de deux millions de votants de plus qu'en 1998, "la chute de la participation a été enrayée. Les Français ont marqué un léger regain d'intérêt pour la vie démocratique du pays. La vitalité politique est encore convalescente, mais elle repart dans le bon sens".

"Le score du Front national, lui, semble plus ou moins contenu", poursuit Hubert Coudurier dans Le Télégramme de Morlaix, qui y voit "une consolation" pour la majorité. Une analyse que ne partage pas Jean-Yves Boulic, dans Ouest-France : le Front national est "l'autre vainqueur de ce premier tour. Il améliore son score de 1998 pour le hisser à la hauteur du premier tour de la présidentielle. Cela le place en tête des formations d'extrême droite en Europe. Triste spécificité française. Mais le fait est là : le FN se nationalise, même si la Bretagne et les Pays de la Loire lui refusent encore le droit au second tour. Près d'un cinquième de l'électorat prend l'habitude de se servir de ce parti pour protester contre l'exécutif, comme c'était le cas autrefois pour le Parti communiste".

Quant à l'ambition présidentielle de François Bayrou, elle "en prend un coup", relève Hubert Coudurier dans Le Télégramme de Morlaix : "François Bayrou en troisième position en Aquitaine, André Santini devancé par Jean-François Copé en Ile-de-France. Autant dire que l'idée d'une troisième voix reste très aléatoire dans un pays comme la France où la vie politique s'organise autour des deux principaux partis de gouvernement : l'UMP et le PS."

LE RÉVEIL DE LA GAUCHE

Peut-on lire dans ce vote-sanction une victoire de la gauche ? Dans L'Yonne républicaine, Gérard Delorme n'en doute pas : Jean-Pierre Soisson, largement devancé en Bourgogne par le socialiste François Patriat, fait les frais d'une "tornade rose". Gilles Dauxerre, le rédacteur en chef de Paris-Normandie, préfère parler d'"embellie printanière" : "Les Français ont donné un avertissement au gouvernement et à l'UMP, mais sans offrir pour autant un boulevard politique à la gauche." Olivier Picard se montre encore plus prudent, dans les DNA : "Qu'une gauche à peine convalescente, avec une colonne vertébrale en guimauve et qui reste divisée sur le fond malgré les 'embrassons-nous Folleville' de circonstance, ait pu réaliser un aussi bon score souligne en négatif l'échec de la majorité." Même retenue sous la plume de Pierre-Jules Gaye, dans L'Yonne républicaine : "Voici la gauche prise de vitesse par les événements deux ans après le K.-O. encaissé à la présidentielle. Convalescente, à peine debout sur ses jambes, saura-t-elle trouver les ressources pour créer une vraie dynamique pour relayer les effets bénéfiques d'un vote-sanction contre le gouvernement, dont elle profite par effet mécanique, est-on tenté d'écrire ?"

Le score de la gauche place néanmoins Jacques Chirac aux abois, conclut Pierre Taribo dans L'Est républicain : "Entre les deux tours, Jacques Chirac, lui-même atteint par le verdict des urnes, ne peut rien faire de particulier pour épauler les siens. Mais si la tendance se confirme dimanche prochain, il n'aura plus qu'une seule carte entre les mains. Celle qu'il fera tout pour ne pas utiliser. C'est-à-dire l'option Sarkozy."

Marie Bélœil